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"Une couleur d'abord. Dans des noirs, des bruns, des bleu gris, avec
de temps à autre des éclats transparents de pure lumière.
Un rythme ensuite, ponctuation régulière, plutôt lente. Marche? Coups
d'un bélier qui font peser la nuit à la fenêtre? Et il nous semble que
"Ce bruit mystérieux sonne comme un départ"
C'est ce même remuement, cette même cadence qu'on entend chez Tchaïkowsky
ou chez Brahms, chez Mahler et les trois Viennois, funèbre mais pas
seulement, sombre assurément, grave, poignante.
Cette couleur, cette pulsation, comme un deuil sans tristesse, sont
le fond expressif de la musique de Jean-Claude Wolff. Chez lui, la couleur
est affective, lyrique, nocturne - disons germanique.
Le dessin est précis, tendu - français. Les lignes mélodiques, les élans
rythmiques (souvent complexes), le détail aussi bien que la structure
elle-même, ont une clarté, une vivacité presque, qui portent une charge
expressive allant parfois jusqu'à la violence. On rencontre aussi une
sensualité de plus en plus évidente dans les dernières ouvres, une chaleur
sonore qui est comme un approfondissement de l'expérience artistique.
Paradoxalement, il y a dans cette musique une espèce de retenue ou de
pudeur, de simplicité dans l'expression, qui nous fait entendre d'autant
mieux son secret, son intime déchirure. On y perçoit ce silence - ou
cette absence - qui est au cour de la musique sans doute, comme elle
est sans doute au cour de la littérature et de l'art en général.
Nul dogmatisme d'avant garde chez Jean-Claude WOLFF. Nul passéisme non
plus. Son langage utilise atonalité, sérialisme, divers processus composition-nels.
Parfois même l'ombre (la lumière?) nostalgique et sereine de la tonalité
vient s'y mêler. Ne sont reniés ni l'héritage du passé ni l'exigence
du présent. Il y a chez lui l'inquiétude, l'expression pleine, nécessaire
- c'est à dire aussi humaine - d'un véritable artiste, en ce début du
XXIe siècle."
Rory NELSON, novembre 2003
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