C'est il y a deux ans que Marie Prost et le trio Besozzi m'ont demandé
de composer une ouvre pour leur formation, qui unit de façon originale
la voix de soprano et trois instruments à vent de la famille des "anches
doubles" (deux hautbois, un basson). J'ai cherché alors assez longuement
quels textes conviendraient à ce mélange de timbres si particulier,
mais aussi à quels textes je pourrais apporter cette fusion du verbe
et du son, qui est une des problématiques de l'écriture musicale sur
un texte signifiant. Un peu par hasard, j'ai découvert ces superbes
poèmes d'Andrée Chedid, ainsi que la personnalité chaleureuse de leur
auteur, qui m'a donné avec une générosité enthousiaste tout loisir de
choisir les textes qui me conviendraient et de les organiser à ma guise.
C'est ainsi que sont nés deux cycles : "Poèmes de révolte", et "Poèmes
d'alliance",tous deux issus de différents recueils de poèmes
qu'Andrée Chedid a écrits et publiés entre 1946 et 1960. Le second de
ces cycles, que j'évoque ici, "Poèmes d'alliance", comporte
six textes :
La voix
Quand l'espoir nous déserte
Chanson pour demain
La femme des longues patiences
Regarder l'enfance
Brève invitée.
Ce sont-à mes yeux tout au moins-des poèmes d'amour, d'alliance, d'espoir
et de désespoir mêlés, teintés d'une certaine nostalgie, d'une mélancolie
qui laisse place à un sourire et à une tendresse bien caractéristiques.
Ce sont toutes ces nuances expressives subtiles que j'ai essayé d'exprimer
dans ce cycle.
Dans chacun de ces poèmes, qui s'enchaînent, la voix est essentiellement
chantante, mélodique, soit en de vastes intervalles expressifs, soit
comme une mélopée, une psalmodie autour d'une note. La forme, souvent
partiellement strophique, épouse assez fidèlement la forme des poèmes
; le rythme également. La présence fréquente de rythmes obstinés (premier
et cinquième poèmes) ou de notes tenues (premier, deuxième et quatrième
poèmes) peuvent donner une impression presque nocturne,contredite par
certains élans vers l'aigu du soprano,plus lumineux. Le dernier poème
consiste, comme en un hommage aux musiques anciennes, en un contrepoint
mélodique perpétuel entre la voix et le hautbois d'amour ou le cor anglais.
Il conclut l'ouvre dans une atmosphère apaisée, presque recueillie.
Extrait audio : Marie Prost, soprano, Trio Besozzi
(Marc Badin, hautbois/hautbois d'amour, Patrice Barsey, cor anglais,
Hervé Issartel, basson)